1. Au Carmel

Après avoir soigné son mari jusqu'à sa mort le 17 novembre 1613 et réglé la succession, Barbe, âgée de quarante-huit ans, entre au Carmel d'Amiens le 15 février 1614 sous le nom de Sœur Marie de l'Incarnation. En tant que sœur converse, elle travaille à la cuisine autant que ses infirmités le lui permettent. Avec l'accord de la prieure, elle exerce un ministère d'accompagnement auprès des sœurs qui la sollicitent.

Elle refuse d'être élue prieure pour rester sœur converse. La prieure élue à sa place, ayant prononcé le vœu de servitude que Bérulle cherche à imposer aux carmélites, prend en grippe sœur Marie de l'Incarnation qui y est défavorable : interdiction faite aux sœurs de s'adresser à elle, brimades lorsque ses infirmités l'empêchent de suivre le rythme communautaire, etc. Elle accepte tout humblement, mais ses supérieurs décident alors son transfert au carmel de Pontoise, où elle est reçue avec joie le 7 décembre 1616. Elle est de nouveau autorisée à prodiguer ses conseils tant aux novices qu'à la prieure. Atteinte de paralysie à partir du 7 février 1618, elle entre dans une période de grande souffrance. Bien souvent perdue dans les abîmes de l'amour divin, elle semble ne pas y prêter attention. Le 18 avril, tandis que le père Duval lui administre l'extrême-onction, le médecin fait observer qu'elle est décédée. Le père déclare alors à la communauté : « A l'instant où je parle, la défunte jouit déjà de la vue de Dieu. » En ce mercredi de Pâques, la rumeur se propage rapidement au dehors : « la sainte est morte, la sainte est morte ! »

Ensevelie au carmel de Pontoise, les miracles se multiplient autour de sa tombe. Son fils Pierre, grand vicaire de Rouen, dirige sa cause de canonisation dès 1622, mais celle-ci sera égarée par la suite pendant des décennies. Le pape Pie VI la déclarera bienheureuse le 24 mai 1791. Il choisit de donner comme modèle à l'Église de France, plongée dans la tourmente révolutionnaire, celle qui avait si efficacement travaillé au renouveau de l'Église après le séisme des guerres de religion.

2. Humilité et enfance spirituelle

L'humilité a été le fondement de sa disponibilité inconditionnelle à la grâce. Sa manière excessive de se déprécier pour tout attribuer à Dieu est sans doute une conséquence de son enfance malheureuse où « sa mère ne faisait aucun état d'elle, la tenait pour une fille grossière et de mauvaise grâce et d'humeur, la traitait de paroles et d'effets très rudement. » Mais son union à Dieu a transformé cette souffrance en un authentique chemin de conformation au Christ. Elle est bouleversée de voir l'incompréhensible humilité de Dieu : « Voir un Dieu enfant ! Un Dieu, s'abaisser si bas pour des pauvres créatures ! Et nous perdons notre temps à des bagatelles ! Nous ressemblons aux enfants : si on leur présente un grand trésor et une pomme rouge, ils prendront plutôt la pomme rouge. Nous faisons ainsi : nous avons des choses si grandes à nous occuper et nous nous amusons à nous-mêmes ! Voir un Dieu enfant ! Voir un Dieu s'abaisser ainsi ! »

« Aujourd'hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » (Lc 2,11s)

« Il semblait, en cette sainte fête de Noël, qu'elle ne se pouvait contenir en elle-même, qu'elle eût voulu remplir toute la terre de joie et d'exultation. Elle disait de grandes choses de ce divin mystère et, dans la ferveur de son discours, embrasait les cœurs des sœurs. On voyait bien que l'amour envers le Dieu-Enfant la faisait tout oublier et de soi et de toute autre chose, car d'habitude, elle avait toujours un soin fort exact qu'il ne parût en elle aucun des signes extérieurs des grandeurs que Dieu lui communiquait intérieurement. »

            Elle s'émerveille de l'humilité du Fils de Dieu entièrement dépendant du soin que l'on prend de lui : « Il s'est fait petit, pour nous apprendre à devenir petits. Quand est-ce que nous serons petits ? » L'humilité est la voie royale pour vivre la disponibilité à l'amour de Dieu dans la simplicité du quotidien : « Elle me disait merveille des actions saintes d'humilité que le Fils de Dieu a pratiquées sur terre, particulièrement durant les trente ans dont il n'est dit autre chose de Lui, sinon qu'Il était soumis à la Vierge et à saint Joseph ». Elle nous apprend à nous défier de nous-même pour nous confier à Dieu seul : « Dieu permet de fréquentes chutes en une âme, parce que nous cherchons trop d'appui et de forces en nous-mêmes. Si, nous séparant de nous-mêmes, nous attendions toute notre force de Dieu, Il ne permettrait pas que nous tombions si souvent. » L'humilité est le secret de toute fécondité en Christ : « Ô l'âme humble est toujours vigoureuse, toujours courageuse, toujours prête d'entreprendre de grandes choses, mais c'est en la vue de Dieu et non de soi, car de soi-même elle n'attend rien, mais tout de Dieu. »

« Et le Verbe s'est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu'il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité. » (Jn1,14)

Bon accueil du Verbe de Dieu !

fr. Olivier Rousseau ocd (couvent d'Avon) et l'équipe des Retraites en ligne du Carmel

**Nous enverrons dans le message final de l'épiphanie (dimanche 3 janvier) un petit "bouquet spirituel" de ce qui aura été partagé pour rendre grâce à Dieu de ses merveilles dans nos vies.