Semaine 3 : Adorer en esprit et en vérité

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Evangile : Entretien avec la Samaritaine (Jn 4)

 

« En ce temps-là, Jésus arriva à une ville de Samarie, appelée Sykar, près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph. Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus, fatigué par la route, s’était donc assis près de la source. C’était la sixième heure, environ midi. Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de l’eau.

Jésus lui dit : “Donne-moi à boire.”[…] La samaritaine lui dit : “Comment ! Toi, un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une samaritaine ?” […] Jésus lui répondit : “Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : “Donne-moi à boire”, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive.”[…]

Jésus lui dit : “Femme, crois-moi, l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne, ni à Jérusalem pour adorer le Père.  […] Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité.”[…]

Entre temps, les disciples l’appelaient : “Rabbi, viens manger.” […] Jésus leur dit : “Ma nourriture, c’est de faire la volonté de Celui qui envoyé et d’accomplir son œuvre.” »

 

1.La méditation de la semaine : « Comme un petit vase à la Source, à la Fontaine de Vie » (L 191)

 

  • Découvrir le don de Dieu

            Dans cet évangile, nous assistons à une conversation entre Jésus et une femme de Samarie. Jésus est assis au bord du puits et la samaritaine vient puiser de l’eau. Cette scène a été souvent représentée par les peintres ; contemplons donc cette scène d’évangile et demandons à Jésus de nous « donner l’eau vive » pour devenir « des adorateurs en esprit et en vérité » afin de faire « notre nourriture de la volonté du Père ». Notons la surprise de la Samaritaine face à la demande de Jésus, surprise qu’un Juif lui adresse la parole. Face à cet étonnement, à ce questionnement intérieur, Jésus lui dit : « Si tu connaissais celui qui te demande à boire » (Jn 4, 10).

            Jésus lui propose – et nous propose à nous – d’entrer dans une connaissance de sa personne. Or pour connaître quelqu’un en profondeur, il faut peut-être mettre entre parenthèses la connaissance que nous avons déjà ou que nous croyons avoir. Il nous faut accepter que la connaissance du Christ Jésus ne se laisse pas enfermer dans les formules dogmatiques ou spirituelles, pourtant bien nécessaires, que nous pouvons bien sûr reprendre et utiliser, mais qui risque d’empêcher cette connaissance intime que Jésus nous propose. Tout au long de son dialogue avec cette femme, Jésus lui donne d’entrer dans une connaissance toujours plus grande de son mystère. Et c’est pourquoi il l’interpelle : « Si tu savais le don de Dieu. »

            Cette interpellation doit résonner à nos oreilles en ce temps de carême, comme elle a résonné dans le cœur d’Élisabeth. À deux reprises, elle cite ce verset en latin, au début de la lettre qu’elle adresse à l’abbé Chevignard en juin 1905 (L 231) et au dixième jour de la retraite qu’elle compose en août 1906 pour sa sœur Guite (CF 38). Ce « don de Dieu » pour Élisabeth, c’est le Christ Jésus, venu dans la chair : « Si tu savais le don de Dieu, disait un soir le Christ à la Samaritaine. Mais quel est-il, ce don de Dieu, si ce n'est Lui-même ? Et, nous dit le disciple bien-aimé: Il est venu chez Lui et les siens ne l'ont pas reçu » (CF 38). Elle écrit au chanoine Angles : « Oui j’ai trouvé Celui qu’aime mon âme, cet Unique Nécessaire que nul ne peut me ravir. Oh ! qu’Il est bon, qu’Il est beau, je voudrais être toute silencieuse, tout adorante afin de pénétrer toujours plus en Lui et d’en être si pleine que je puisse le donner par la prière à ces pauvres âmes ignorantes du don de Dieu » (L 131). Nous percevons l’ardeur missionnaire qui emplit le cœur d’Élisabeth pour faire découvrir le « Jésus, le don de Dieu » (L 219). Pour cela, elle choisit de te tenir à la source des eaux vives : « Se tenant à cette source comme une affamée, et c'est ainsi que je comprends l’apostolat pour la carmélite comme pour le prêtre. Alors l’un et l’autre peuvent rayonner Dieu, le donner aux âmes s’ils se tiennent sans cesse à ces sources divines » (L 158). Elle précise encore : « je voudrais communier  sans cesse [à la prière de Jésus], me tenant comme un petit vase à la Source, à la Fontaine de vie, afin de pouvoir ensuite la communiquer aux âmes, en laissant déborder ses flots de charité infinie » (L 191). Elle avait écrit à l’abbé Beaubis : « Oh, qu’il est puissant sur les âmes, l’apôtre qui reste toujours à la Source des eaux vives ; alors il peut déborder autour de lui sans que jamais son âme se vide puisqu'il communie à l'Infini ! » (L 124). Devenons nous aussi disciples-missionnaires, en prenant de temps de découvrir le « don de Dieu », en nous tenant près du Christ Jésus, la fontaine des eaux vives, pour communier à son amour sauveur pour toute l’humanité.

 

  • Adorer en esprit et en vérité

            À plusieurs reprises, en évoquant le « don de Dieu », Élisabeth contemple la Vierge Marie, elle écrit à sa sœur Guite qui est enceinte de son premier enfant : « Penses-tu ce que ce devait être en l’âme de la Vierge, lorsqu'après l'Incarnation elle possédait en elle le Verbe Incarné, le Don de Dieu » (L 183). Cette attitude conduit à l’adoration : « “Si tu savais le don de Dieu...” Il est une créature qui connut ce don de Dieu, une créature qui n’en perdit pas une parcelle, une créature qui fut si pure, si lumineuse, qu’elle semble être la Lumière elle-même […] : c’est la Vierge fidèle. […] Il me semble que l’attitude de la Vierge durant les mois qui s'écoulèrent entre l’Annonciation et la Nativité est le modèle des âmes intérieures, des êtres que Dieu a choisis pour vivre au-dedans, au fond de l’abîme sans fond. Dans quelle paix, dans quel recueillement Marie se rendait et se prêtait à toutes choses ! Comme celles qui étaient les plus banales étaient divinisées par elle ! Car à travers tout la Vierge restait l’adorante du don de Dieu ! Cela ne l’empêchait pas de se dépenser au-dehors lorsqu’il s'agissait d'exercer la charité. » (CF 39-40)

            Élisabeth laisse à sa sœur Guite une profonde méditation sur les paroles du Christ Jésus à la Samaritaine : « Le Christ disait un jour à la Samaritaine que “le Père cherchait de vrais adorateurs en esprit et en vérité”. Pour donner joie à son Cœur, soyons ces grandes adorantes. Adorons-le en “esprit”, c'est-à-dire ayons le cœur et la pensée fixés en Lui, l'esprit plein de sa connaissance par la lumière de foi. Adorons-le en “vérité”, c'est-à-dire par nos œuvres, car c'est par les actes surtout que nous sommes vraies ; c'est faire toujours ce qui plaît au Père dont nous sommes les enfants. Enfin “adorons en esprit et en vérité”, c'est-à-dire par Jésus-Christ et avec Jésus-Christ, car Lui seul est le véritable Adorateur en esprit et en vérité » (CF 33).

            Dans ces deux textes nous remarquons comment Élisabeth unit intimement l’attitude intérieure de recueillement et les œuvres extérieures. Marthe et Marie vont ensemble comme elle l’explique à ses cousines : « Heureusement que, tout en étant Marthe, on peut rester comme Madeleine toujours auprès du Maître, le contemplant dans un regard tout amoureux. Et c'est là notre vie au Carmel car, quoique la prière soit notre principale et même notre unique occupation, car la prière d'une carmélite ne cesse jamais, nous avons aussi des ouvrages, des actes extérieurs » (L 108). Elle invitera sa sœur à demeurer dans la contemplation, dans l’adoration du don de Dieu tout en accomplissant ses tâches de mère et d’épouse. (cf. L 183).

            L’adoration est une attitude qui parle beaucoup à Élisabeth. Comme jeune fille puis comme carmélites, elle passe de longues heures à adorer la présence eucharistique de Jésus. Le thème de l’adoration est présent dans de nombreux écrits. Le 25 juillet 1905, elle signe une poésie écrite pour sa sœur Guite : « L’adorante du don de Dieu » (P 93). Elle conclut la lettre du 28 novembre 1903 à l’abbé Chevignard par ces mots : « Avec vous, je demeure toute adorante du Mystère » (L 185). Mais c’est sans doute dans la Dernière Retraite que nous trouvons la quintessence de sa pensée sur l’adoration : « L’adoration, ah ! c’est un mot du Ciel ! Il me semble que l'on peut la définir : l’extase de l’amour. C’est l’amour écrasé par la beauté, la force, la grandeur immense de l’Objet aimé, et il “tombe en une sorte de défaillance”  dans un silence plein, profond, ce silence dont parlait David lorsqu’il s'écriait : “Le silence est ta louange !” (Ps 65, 1). Oui, c'est la plus belle louange, puisque c'est celle qui se chante éternellement au sein de la tranquille Trinité » (DR 21).

 

  • Faire la volonté du Père

            La Samaritaine part en disciple-missionnaire parler de Celui qu’elle a rencontré aux habitants de la ville. Pendant ce temps un dialogue se noue entre les disciples et Jésus sur cette « nourriture » mystérieuse qui est de « faire la volonté du Père ». En août 1906, Élisabeth écrit Le Ciel dans la foi, une retraite de dix jours avec deux méditations par jour, à l’intention de sa sœur Guite, mariée et mère de deux enfants. À plusieurs reprises, elle y fait allusion à ce passage de l’évangile selon saint Jean. Ainsi au troisième jour, elle écrit : « Parce que j’aime mon Père, je fais toujours ce qui Lui plaît” (Jn 8, 29 ; 14, 31). Ainsi parlait le Maître saint, et toute âme qui veut vivre à son contact doit vivre aussi de cette maxime. Le bon plaisir divin doit être sa nourriture, son pain quotidien; elle doit se laisser immoler par toutes les volontés du Père à l’image de son Christ adoré ; chaque incident, chaque événement, chaque souffrance comme chaque joie est un sacrement qui lui donne Dieu ; aussi elle ne fait plus de différence entre ces choses, elle les franchit, elle les dépasse pour se reposer, au-dessus de tout, en son Maître Lui-même. » (CF 10).

            Puis elle y revient le huitième jour : « Pendant cette retraite dont le but est de nous rendre plus conformes à notre Maître adoré, plus que cela, de nous fondre si bien en Lui que nous puissions dire : “Je ne vis plus, c'est Lui qui vit en moi, et ce que j’ai de vie en ce corps de mort, je l’ai en la foi du Fils de Dieu, qui m’a aimé et s’est livré pour moi” (Ga 2, 20), oh ! Étudions ce Modèle divin : sa connaissance, nous dit l'Apôtre, est si “transcendante” (Ph 3, 8). Et d’abord, entrant dans le monde, qu’a-t-Il dit ? “Les holocaustes ne vous sont plus agréables; alors j’ai pris un corps : me voici, ô Dieu, pour faire votre volonté” (He 10, 5-7). Durant ses trente-trois années cette volonté fut si bien son pain de chaque jour, qu’au moment de remettre son âme entre les mains de son Père Il pouvait Lui dire : “Tout est consommé” (Jn 19, 30), oui, toutes vos volontés, toutes ont été accomplies, c’est pourquoi “je vous ai glorifié sur la terre” (Jn 17, 4). En effet Jésus-Christ, parlant à ses apôtres de cette nourriture qu’ils ne connaissaient pas, leur disait “qu’elle était de faire la volonté de Celui qui l’avait envoyé” (Jn 4, 34). Aussi Il pouvait dire : “Je ne suis jamais seul, Celui qui m’a envoyé est toujours avec moi parce que je fais toujours ce qui Lui plaît” (Jn 8, 29). Mangeons avec amour ce pain de la volonté de Dieu. Si parfois ces volontés sont plus crucifiantes, nous pouvons dire sans doute avec notre Maître adoré : “Père, s’il est possible, que ce calice s'éloigne de moi”, mais nous ajouterons aussitôt : “Non pas comme je veux, mais comme vous voulez” (Mt 26, 39) ; et dans le calme et la force, avec le divin Crucifié, nous gravirons aussi notre calvaire, chantant au fond de nos âmes, faisant monter vers le Père une hymne d'action de grâces, car ceux qui marchent en cette voie douloureuse, ce sont ceux-là “qu’Il a connus et prédestinés pour être conformes à l’image de son divin Fils” (Rm 8, 29), le Crucifié par amour ! » (CF 28-30)

            Paroles testament d’une jeune fille de 26 ans qui se meurt de la terrible maladie d’Addison. Paroles de feu à accueillir dans le silence… « Fiat voluntas tuas, que ta volonté soit faite ! » Voilà de quoi méditer cette semaine.

 

Frère Didier-Marie Golay, ocd (couvent de Lisieux)

 

2.Les trois pistes de mise en pratique de la semaine

 

  1. Je cherche à accueillir Jésus comme un don personnel que Père me fait
  2. Je décide de vivre un temps d’adoration durant cette semaine
  3. Je choisis de poser un acte qui manifeste mon désir d’accomplir la volonté du Père

Prière de la communauté

Prière d'Elisabeth

O mon Dieu, Trinité que j'adore, aidez-moi à m'oublier entièrement pour m'établir en vous, immobile et paisible comme si déjà mon âme était dans l'éternité. Que rien ne puisse troubler ma paix, ni me faire Sortir de vous, ô mon Immuable, mais que chaque minute m'emporte plus loin dans la profondeur de votre Mystère.

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5 commentaires

Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. Col 4 : 6

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Carême : rayonner Dieu avec Elisabeth de la Trinité

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