Semaine 2 : Regarder et écouter Jésus

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Evangile : La transfiguration (Mt 17, 1-9)

 « En ce temps-là, Jésus pris avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmena à l’écart sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, ses vêtements, blancs comme la lumière. Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui. Pierre alors prit la parole et dit à Jésus : “Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie.”

Il parlait encore, lorsqu’une nuée lumineuse les couvrit de son ombre, et voici que, de la nuée, une voix disait : “Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le !”Quand ils entendirent cela, les disciples tombèrent face contre terre et furent saisis d’une grande crainte. Jésus s’approcha, les toucha et leur dit : “Relevez-vous et soyez sans crainte !”Levant les yeux, il ne virent plus personne, sinon lui, Jésus, seul.

En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : “Ne parlez de cette vision à personne avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts.” »

 

1.La méditation de la semaine : « Le beau soleil irradiant ma vie » (L 333)

 

  • Sur une haute montagne avec Jésus

La version liturgique de l’évangile ne conserve pas les premiers mots du récit de la Transfiguration : « Six jours après »… et pourtant, les trois évangélistes, Matthieu, Marc et Luc s’accordent pour lier l’épisode de la Transfiguration à la conversation que Jésus a eue avec ses disciples. Lors de cette conversation, Jésus, après avoir prié, les interrogea en deux temps : « Au dire des gens qui est le Fils de l’homme ? » (Mt 16, 13), puis « Et vous que dites-vous, pour vous qui suis-je ? » (Mt 16, 15). Pierre avait alors affirmé : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16). Alors Jésus leur avait annoncé sa Passion (Cf. Mt 16, 21) et les avait invités à prendre leur croix pour marcher à sa suite (Cf. Mt 16, 24). C’est dans ce contexte précis que doit être lu le récit de la Transfiguration. Transfiguration et Croix s’éclairent mutuellement et sont indissociables l’une de l’autre. Cela est souligné par la présence des trois disciples : Pierre, Jacques et Jean. Ceux qui vont voir son visage flamboyant de gloire verront aussi son visage ruisselant de sueur et de sang à Gethsémani (Mt 26, 37).

Élisabeth a une très vive conscience d’avoir été choisie par le Seigneur. Elle s’est émerveillée en lisant dans saint Paul : « Il nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour » (Ep 1, 4). Cette citation revient dix-sept fois sous sa plume. Et elle n’hésite pas à l’appliquer à ses correspondants vivant en plein monde. Nous découvrir choisis, appelés par le Seigneur pour monter avec lui sur la haute montagne et prendre le temps de l’intimité. Prendre le temps pour que le Christ puisse se manifester à nous comme il s’est manifesté à ses disciples.

Et voilà que sous les yeux des disciples : « il fut transfiguré devant eux. Ses vêtements devinrent resplendissants » (Mc 9, 3).  C’est bien Jésus de Nazareth qu’ils contemplent, mais en cet instant unique transparaît dans son humanité tout l’éclat de sa divinité. La théophanie, la manifestation divine qui s’accomplit sur le mont Thabor dévoile aux yeux des disciples, ce que le Concile de Calcédoine affirmera solennellement : « Jésus est vrai Dieu et vrai Homme » ! Il est l’unique médiateur. L’auteur de la Lettre aux Hébreux nous dira qu’il est le « rayonnement de la gloire de Dieu » (He 1, 3). Saint Paul le nommera : « Le Seigneur de la gloire » (I Co 2, 10).

Élisabeth écrit dans sa prière à la Trinité, rédigée le 21 novembre 1904 : « Ô mon Astre aimé, fascinez-moi pour que je ne puisse plus sortir de votre rayonnement » (NI 15). Elle s’est laissée conduire sur la montagne du Carmel pour être irradiée de la lumière du Christ. Elle écrit ainsi à Madame Angles, qui habite dans les belles montagnes des Pyrénées : « Pour moi, je n'irai plus jamais en vos belles montagnes, mais par l'âme et le cœur je vous y suivrai, demandant à Celui qui est notre “Rendez-vous” de nous attirer sur ces autres montagnes, sur ces sommets divins qui sont si loin de la terre qu'ils touchent presque au Ciel; c'est là que je vous demeure tout unie sous les rayons du Soleil de l'Amour ! » (L 184). À un prêtre, elle écrit : « Qu'il vous emporte sous la lumière de foi jusque sur ses sommets où l'on ne vit que de paix, d'amour, d'union déjà irradiée par les rayons du divin Soleil ! » (L 193). Se laisser inviter par Jésus et monter avec lui sur la haute montagne où sa lumière pourra rayonner sur nous…

 

  • S’entretenir avec le Christ

            « Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui » (Mt 17, 3). Moïse et Élie, deux hommes célèbres dans la Première Alliance. Moïse est celui qui a fait sortir le Peuple Élu de l’esclavage d’Égypte. C’est lui à qui Dieu a donné les tables de la Loi. Il est vénéré comme l’auteur de la Torah, de la Loi que Dieu donne à son Peuple pour qu’il vive. Élie est le prophète qui « se tient devant le Dieu vivant » (cf. I R 17, 1). Sur le mont Carmel, il fait sortir le Peuple Élu de l’esclavage des idoles et des faux dieux. Il est le symbole de ceux qui sont saisis par l’Esprit de Dieu et qui parlent en son nom.

            Tous deux, comme Jésus, ont vécu un jeûne de quarante jours (cf. Ex 24, 18 ; I R 19, 8). Moïse et Élie sont les deux seuls personnages de la Première Alliance qui ont vu Dieu. Moïse l’a vu de dos (cf. Ex 33, 18-23) ; Élie le rencontre dans une brise légère et se couvre le visage sur le mont Horeb (cf. I R 19, 12-13).

À la Transfiguration, Moïse et Élie parlent avec Jésus, ils contemplent le Fils de Dieu qui unit en son humanité leurs deux figures. Moïse et Élie, la Loi et les Prophètes, en dialogue avec Jésus qui n’est pas venu abolir, mais accomplir les Écritures. Deux témoins sont là pour attester de la vérité de l’évènement. Deux témoins choisis… Jésus est à la fois le nouveau Moïse et le nouvel Élie… Savons-nous lire les Écritures, tout particulièrement la Première Alliance pour y découvrir l’annonce des promesses qui s’accomplissent en Jésus ?

            Dans sa méditation des Écritures, Élisabeth évoque les figures de Moïse et d’Élie. Pour le premier, elle s’appuie sur la citation de l’épître aux Hébreux (He 11, 27) pour affirmer « qu’il est inébranlable dans la foi comme s’il avait vu l’invisible » (CF 20 ; DR 10). S’inspirant d’un livre très utilisé par les carmels de l’époque : Le Banquet sacré, elle écrit : « Je serai le petit Moïse sur la montagne » (L 218). Dans Le Banquet sacré, elle a pu lire  à propos de la carmélite : « C'est un Moïse sur la montagne, tenant ses mains élevées vers le ciel, afin d'obtenir la victoire aux chefs des armées du Seigneur qui combattent dans la plaine ». Allusion à Ex 17, 11. Se tenir sur la montagne pour prier, c'est-à-dire pour converser avec Jésus. Dans une lettre à un novice carme, elle écrit : « Je rends grâce à Celui qui a bien voulu nous unir si étroitement en Lui, et le remercie de vous avoir saisi par sa droite pour vous conduire sur la montagne du Carmel, tout irradiée des rayons mêmes du Soleil de justice. […] Vivre en la présence de Dieu, n'est-ce pas un héritage que saint Élie a légué aux enfants du Carmel ? » (L 299). Dans une méditation sur « être épouse », elle confie : « “Être épouse”, épouse au Carmel, c’est avoir le cœur brûlé d’Élie » (NI 13).

            Comme Moïse et Elie, Élisabeth, sur la « montagne du Carmel », se tient devant le Dieu vivant, devant le Christ Jésus, unique visage du Père. Elle nous invite à nous entretenir silencieusement avec lui. Elle écrit à son amie Germaine de Gemeaux : « Et sur la montagne du Carmel, dans le silence, dans la solitude, dans une oraison qui ne finit jamais, car elle se continue à travers tout, la carmélite vit déjà comme au Ciel : “de Dieu seul” » (L 133). Un peu plus tard, elle lui donne cette belle définition de la prière : « Aimez toujours la prière, […] et quand je dis la prière, ce n'est pas tant s'imposer quantité de prières vocales à réciter chaque jour, mais c'est cette élévation de l'âme vers Dieu à travers toutes choses qui nous établit avec la Sainte Trinité en une sorte de communion continuelle, tout simplement en faisant tout sous son regard » (L 252). Pour que notre vie soit véritablement prière, agissement sous le regard de la Trinité sainte, il nous faut prendre le temps de monter sur la montagne avec Jésus et se mettre à son écoute.

 

  • Se faire tout écoutant

            « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! » (Mt 17, 5). La voix du Père atteste qu’il est « son Fils », celui en qui le Père « trouve sa joie ». Il nous invite à l’écouter. Simon-Pierre, l’écoutant par excellence – son nom de « Simon » a la même racine que « shema, écoute Israël », gardera le souvenir de cet épisode dans sa seconde lettre où il affirme : « Cette voix venant du ciel, nous l’avons-nous-mêmes entendue quand nous étions avec lui sur la montagne sainte. Et ainsi se confirme pour nous la parole prophétique : vous faites bien de fixer votre attention sur elle, comme sur une lampe brillant dans un lieu obscur jusqu’à ce que paraisse le jour et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs » (2 P 1, 18-19). Dans sa très belle prière à la Trinité, Élisabeth de la Trinité écrit : « O Verbe éternel, Parole de mon Dieu, je vous passer ma vie à vous écouter, je veux me faire tout enseignable afin d’apprendre tout de vous » (NI 15). Elle exprime la même idée dans le poème qu’elle écrit pour fêter Noël en 1903 :

« Que je passe ma vie,

   O Verbe, à t'écouter

   Et sois cette envahie

   Qui ne sait plus qu'aimer » (P 88).

            Très tôt, elle s’est mise à l’écoute du Christ Jésus, du Verbe de Dieu, elle écrit à son confident, le chanoine Angles : « Même au cœur du monde on peut l’écouter dans le silence d’un cœur qui ne veut être qu’à Lui ! » (L 38). Elle conseille à sa maman : « Écoute-le, fais du silence » (L 103). À son amie Germaine de Gemeaux, elle propose : « faisons-nous silencieuses pour écouter Celui qui a tant à nous dire, et puisque, vous aussi, vous avez cette passion de l'écouter, nous nous retrouverons près de Lui pour entendre tout ce qui se chante en son âme !... » (L 164). Dans un poème qu’elle écrit pour sœur Agnès de Jésus-Maria, en 1902, Élisabeth réunit l’écoute du silence et la nuée lumineuse de la Transfiguration :

« N'entends-tu pas déjà le grand silence,

   L'hymne d'amour qui se chante là-haut ?

   Sœur, oublions l'exil et la souffrance

   Et que nos cœurs saluent ce jour si beau !

   Ne vois-tu pas la Splendeur éternelle,

   La Trinité qui se penche sur nous ?

   Le Ciel s'entrouvre : écoute... on nous appelle...

   Recueillons-nous, ma Sœur, voici l'Époux !...

 

   Ne vois-tu pas la nuée lumineuse

   Qui jusqu'à nous projette sa clarté ?

   Ah, restons là toutes silencieuses,

   Fixant l'Immuable Beauté !

   De notre Christ le regard clarifie

   En imprimant la pureté de Dieu.

   Sœur, demeurons, pour qu'Il nous déifie,

   L'âme en son âme et les yeux dans ses yeux. » (P 85)

 

Élisabeth nous montre le chemin du silence, un silence qui nous désencombre de nous-mêmes pour contempler le Christ Jésus, pour laisser sa parole descendre en notre cœur et y accomplir son œuvre. Le temps du carême, un temps pour monter sur la montagne avec Jésus, un temps pour mieux le connaître par la méditation de l’Écriture, par l’écoute de sa Parole, par la contemplation de son Mystère. Un temps de désencombrement, pour nous libérer du superflu, de l’inutile, pour nous centrer sur « Jésus, seul »… Un temps pour se laisser transfigurer, pour avoir le courage de suivre Jésus sur le chemin du calvaire et de la Croix et passer avec lui de ce monde au Père dans la lumière de la Résurrection.

 

Didier-Marie Golay, ocd (couvent de Lisieux)

 

2.Les trois pistes de mise en pratique de la semaine

 

  1. Je décide de prévoir pendant le carême un temps particulier pour me retirer à l’écart en compagnie de Jésus
  2. Je prends du temps chaque jour pour m’entretenir avec Lui et l’écouter en silence
  3. Je cherche à écouter la voix de Dieu à travers les personnes qui m’entourent

Prière de la communauté

Prière d'Elisabeth

O mon Dieu, Trinité que j'adore, aidez-moi à m'oublier entièrement pour m'établir en vous, immobile et paisible comme si déjà mon âme était dans l'éternité. Que rien ne puisse troubler ma paix, ni me faire Sortir de vous, ô mon Immuable, mais que chaque minute m'emporte plus loin dans la profondeur de votre Mystère.

Merci ! 152 personnes ont prié

4 commentaires

Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. Col 4 : 6

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Carême : rayonner Dieu avec Elisabeth de la Trinité

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