Semaine 1 : Engager la lutte

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Evangile : Tentations de Jésus au désert (Mt 4, 1-11)

« En ce temps-là, Jésus fut conduit au désert par l’Esprit pour être tenté par le diable. Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim. Le tentateur s’approcha et lui dit : “Si tu es le Fils de Dieu ordonne que ces pierres deviennent des pains.” Mais Jésus répondit : “Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.

Alors le diable l’emmène à la Ville sainte, le place au sommet du Temple et lui dit : “Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi des ordres à ses anges, et : Ils te porteront sur leurs mains de peur que ton pied ne heurte une pierre.” Jésus lui déclara : “Il est encore écrit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu.

Le diable l’emmène encore sur une très haute montagne et lui montre tous les royaumes du monde et leur gloire. Il lui dit : “Tout cela, je te le donnerai, si, tombant à mes pieds, tu te prosternes devant moi.” Alors, Jésus lui dit : “Arrière, Satan ! car il est écrit : C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte.

Alors le diable le quitte. Et voici que des anges s’approchèrent et ils le servaient. »

 

1.La méditation de la semaine : « Ne crains pas la lutte, la tentation » (CV 12)

 

  • Temps du jeûne

Jésus est conduit au désert par l’Esprit. Et là, il jeûne quarante jours et quarante nuits. Le désert, lieu du dépouillement, lieu où le Seigneur conduit pour parler au cœur. Écoutons l’invitation qu’Élisabeth nous lance à nouveau : « Pendant ce Carême, je vous donne rendez-vous en l’Infini de Dieu, en sa Charité : voulez-vous que ce soit le désert où, avec notre divin Époux, nous allons vivre en une profonde solitude, puisque c’est dans cette solitude qu’Il parle au cœur » (L 156, à Mme Angles du 15 février 1903).

Moïse avait jeûné quarante jours et quarante nuits lors de la rencontre du Seigneur dans la nuée sur la montagne (Ex 24, 18) ; il avait encore jeûné quarante jours et quarante nuits avant d’écrire les Dix Paroles (les Commandements) sur les tables de pierre (Ex 34, 28). Le prophète Élie vécut également un jeûne de quarante jours et de quarante nuits avant de rencontrer Dieu dans un « murmure de fin silence » (I R 19, 8). Jeûne qui prépare à la Rencontre avec Dieu.

Savons-nous encore prendre le temps du jeûne pour nous préparer à la Rencontre ? En cette semaine de carême de quoi puis-je jeûner pour me rendre plus disponible au Seigneur qui veut parler à mon cœur ? De quoi puis-je me séparer pour manifester que je veux me désencombrer, me rendre disponible à Celui qui est source de vie ? Le jeûne peut toucher bien des domaines autres que la simple nourriture ; à chacun de pourvoir évaluer le lieu de son jeûne pour grandir en liberté… Et cela doit s’accomplir dans la joie. Ce n’est pas en premier lieu un acte de privation, c’est d’abord un acte d’amour à Celui qui me donne la vie.

Dans son Journal, Élisabeth nous confie sa joie d’avoir pu jeûner : « Depuis trois jours j’ai pu jeûner le matin sans que maman s’en doute. Oh ! comme je suis heureuse de pouvoir [offrir] cette petite mortification à mon Jésus ! » (J 4). Puis quelques jours plus tard, elle confie : « Maman s’est aperçue que je ne déjeunais pas le matin, elle m’a bien grondée. Dois-je recommencer ? Je ne le crois pas !... » (J 6). Élisabeth veut offrir quelque chose à Jésus et elle décide de jeûner, mais lorsque sa maman s’en aperçoit, Élisabeth accepter de renoncer à son jeûne et à sa volonté propre pour obéir à sa maman. Dans une lettre qu’elle lui envoie depuis le carmel, elle précise : « le Maître a dit à notre sainte Mère Thérèse qu’il préférait son obéissance aux pénitences d’une autre sainte. » (L 309). Élisabeth fait ici référence à la Relation 23, dans laquelle sainte Thérèse d’Avila rapporte que le Seigneur préfère l’obéissance à ses confesseurs que les pénitences que s’impose Catalina de Cardona de son propre chef.

N’oublions pas que le jeûne n’a de sens que s’il nous libère pour aimer. Ce n’est jamais une « performance » à accomplir et à l’issue de laquelle nous gagnerions une médaille. Peut-être sera-t-il bon de soumettre notre idée de jeûne à quelqu’un pour éviter d’en faire trop ou de ne pas en faire assez ? Il s’agit de renoncer à ma volonté propre et de découvrir le bienfait de s’en remettre à un autre pour manifester que nous voulons nous en remettre au Seigneur.

 

  • Temps du combat spirituel

À l’issue de son jeûne, Jésus vit le combat spirituel contre l’Adversaire, le Satan qui vient le tenter. Lors de la mission qui a lieu à Dijon du 4 mars au 2 avril 1900, Élisabeth note dans son Journal les points forts de l’enseignement reçu. Suite à l’instruction du samedi 18 mars à 9 heures, elle écrit : « “La vie est un combat” (Jb 7, 1). Toute notre existence nous serons tentés, soit dans une chose, soit dans une autre. La tentation n’est pas un péché par elle-même. Elle n’est pas un péché même si l’on y trouve de la satisfaction, pourvu que dès que l’on s’en aperçoit, on détourne sa pensée sans même essayer de lutter contre l’idée qui poursuit notre imagination. Le mieux est de penser à une tout autre chose. Dieu nous a indiqué les armes contre la tentation. “Veiller et prier” (Mt 26, 41). Avec Dieu nous sommes sûrs de la victoire Il n’envoie jamais la tentation sans nous donner la grâce suffisante pour y résister. Oui, “je puis tout en Celui qui me fortifie” (Ph 4, 13). » (J 73)

Cet enseignement reçu pénètre l’âme d’Élisabeth et au soir de sa vie, elle écrit longuement à sa jeune amie, Françoise de Sourdon, qu’elle surnomme affectueusement « Framboise » : « Rappelle-toi qu’“Il t’a élue en Lui avant la création pour que tu sois immaculée et pure en sa présence, dans l’amour” (Ep 1, 4), c’est encore saint Paul qui dit cela; par conséquent ne crains pas la lutte, la tentation : “Lorsque je suis faible, s’écriait l’Apôtre, c’est alors que je suis fort, car la vertu de Jésus-Christ habite en moi” (2 Co 12,10.9.) » (GV 12) Elles ont sept ans d’écart et Élisabeth reconnait dans le caractère bouillant de sa jeune amie, son propre caractère d’enfant. Élisabeth avait un caractère volcanique et faisait des colères « très diable » dira sa sœur Guite. Mais par amour pour sa maman et pour Dieu, Élisabeth va lutter contre son défaut, en agissant et en demandant l’aide de Jésus. Sa première confession et surtout sa première communion vont l’aider à changer en profondeur. Savons-nous compter sur l’aide des sacrements de l’Église pour lutter contre la tentation, pour mener nos combats spirituels ?

Au début de son Journal, c’est-à-dire en 1899 – elle a 19 ans – elle écrit : « J’ai eu aujourd’hui la joie d’offrir à mon Jésus plusieurs sacrifices sur mon défaut dominant [la colère], mais comme ils m’ont coûté ! Je reconnais là ma faiblesse. Il me semble, lorsque je reçois une observation injuste, que je sens bouillir mon sang dans mes veines, tout mon être se révolte !... Mais Jésus était avec moi, j’entendais sa voix au fond de mon cœur, et alors j’étais prête à tout supporter pour l’amour de Lui !... » (J 1). Élisabeth a connu la tentation, le combat contre ses défauts. Elle est demeurée vigilante sachant combien la nature livrée à elle-même peut retomber dans ses travers. C’est l’amour de Jésus qui l’incite à mener le combat. Forte de sa propre expérience, elle veut nous aider à notre tour, comme elle l’écrit à la fin de sa vie à son ami Charles Hallo : « Tu auras des luttes à soutenir, mon petit frère, tu rencontreras des obstacles au chemin de la vie, mais ne te décourages pas, appelle-moi. Oui, appelle ta petite sœur, tu augmenteras ainsi le bonheur de son Ciel : elle sera si heureuse de t’aider à triompher, à rester digne de Dieu » (L 342). Dans la communion des saints, n’hésitons pas à faire appel à Élisabeth dans nos combats, dans nos luttes, dans nos tentations.

 

  • Temps d’écoute de la Parole

Dans le combat contre l’Adversaire, Jésus a triomphé. Devant chaque tentative du Malin, Jésus puise sa réponse dans les Écritures, plus précisément dans la Torah, dans la Loi donnée par Dieu à son Peuple. Dans un passage de la Règle du Carmel qui traite du combat spirituel, il est écrit « Prenez, en toutes choses, le bouclier de la foi grâce auquel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du malin ; […] Que le glaive de l’esprit, qui est la parole de Dieu, habite en abondance en votre bouche et en votre cœur ; et tout ce que vous avez à faire, faites-le sur la parole du Seigneur » (Règle du Carmel, n° 16).

Pour mener les combats spirituels qui sont les nôtres, il nous faut nous appuyer sur la Parole de Dieu. Jésus réaffirme la parole du Deutéronome : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Dt 8, 3 ; Mt 4, 4). Se nourrir de la Parole de Dieu, pour indiquer que nous recevons notre vie de Dieu lui-même. Prendre le temps du jeûne, pour se mettre à la table de la Parole. Il est frappant de voir dans la correspondance d’Élisabeth combien la Parole vient facilement sous sa plume pour éclairer son correspondant. Nous en avons un bel exemple dans la lettre – Grandeur de la vocation – qu’elle envoie à « Framboise » et dont nous avons cité un extrait plus haut. En ce début de carême, interrogeons-nous : quel est notre rapport aux Écritures ? Savons-nous nous en nourrir pour qu’elles habitent notre cœur et notre bouche ? Savons-nous lutter avec l’arme de la Parole contre les attaques de l’Adversaire ? Peut-être pouvons-nous prendre un peu plus de temps pour lire et méditer les textes du jour ou ceux du dimanche ?

Dans l’évangile de ce jour, nous voyons deux manières contradictoires de citer la Parole. Celle de l’adversaire qui cite la Parole pour tendre un piège à Jésus et celle de Jésus qui se réfère humblement à Dieu et qui puise dans les Écritures ce qui le met en relation avec le Père. Élisabeth est une lectrice attentive de la Parole de Dieu. Elle y découvre les desseins de Dieu sur elle et sur ceux qu’Il appelle à le suivre. Dans la Dernière Retraite, qu’elle rédige en août 2006, quelques semaines avant de mourir, Élisabeth a des paroles très fortes :

« “Sa parole, dit saint Paul, est vivante et efficace, et plus pénétrante qu’aucun glaive à deux tranchants : elle atteint jusqu’à la division de l’âme et de l’esprit, jusque dans les jointures et dans les moelles” (He 4, 12). C’est donc elle directement, qui achèvera le travail du dépouillement dans l’âme; car elle a ceci de propre et de particulier, c’est qu’elle opère et qu’elle crée ce qu’elle fait entendre, pourvu toutefois que l’âme consente à se laisser faire. Mais ce n’est pas tout de l’entendre, cette parole, il faut la garder ! (Jn 14, 23). Et c’est en la gardant que l’âme sera “sanctifiée dans la vérité”, et c’est là le désir du Maître : “Sanctifiez-les dans la vérité, votre parole est vérité” (Jn 17, 17). À celui qui garde sa parole, n’a-t-Il pas fait cette promesse : “Mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui et nous ferons en lui notre demeure” (Jn 14, 23) ? C’est toute la Trinité qui habite dans l’âme qui l’aime en vérité, c’est-à-dire en gardant sa parole ! » (DR 27-28).

Elisabeth nous invite à nous livrer à l’action créatrice de la Parole. Seule la Parole de Dieu peut nous dépouiller, nous désencombrer en profondeur, mais uniquement si nous consentons à nous laisser faire. Elisabeth précise qu’il ne suffit pas d’entendre la Parole mais il faut la « garder », la laisser habiter au plus intime de notre être pour qu’elle puisse résonner et que ces harmoniques agissent en nous. Garder cette parole, c’est permettre à la Trinité Sainte de venir faire en nous sa demeure. C’est répondre ainsi à la grâce de notre baptême. Mettons nous en route cette semaine avec l’aide d’Élisabeth.

 

Didier-Marie Golay, ocd (couvent de Lisieux)

 

2. Les trois pistes de mise en pratique de la semaine

 

  1. Je décide de jeûner de … pour me rendre plus disponible au Seigneur
  2. Je prends du temps et invoque l’Esprit Saint pour identifier mes lieux de combat spirituel
  3. Je choisis de mémoriser une parole de l’Écriture qui m’accompagnera durant toute la semaine

 

Prière de la communauté

Prière d'Elisabeth

O mon Dieu, Trinité que j'adore, aidez-moi à m'oublier entièrement pour m'établir en vous, immobile et paisible comme si déjà mon âme était dans l'éternité. Que rien ne puisse troubler ma paix, ni me faire Sortir de vous, ô mon Immuable, mais que chaque minute m'emporte plus loin dans la profondeur de votre Mystère.

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8 commentaires

Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. Col 4 : 6

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Carême : rayonner Dieu avec Elisabeth de la Trinité

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